jeudi 22 avril 2010

Les infoutus 6 - D'un vide technique à la mort de Cannabis

Didier de Lannoy
alias Vié ba Diamba, alias Matiti ya Pamba
Fej et Dijo
ou
les Infoutus de la vie

croquis, crayons ou pochades qui procèdent tous de la même « approche » que les dépêches AnaCo et les chroniques Huppé cul : des histoires brèves (lisibles sur écran, qu’on zappe ou qu’on imprime, qu’on classe ou qu’on supprime) ; des histoires qui s’intègrent dans un ensemble plus vaste (à charpente plus ou moins souple, à sauce plus ou moins gluante), comme des pièces d’un puzzle, à travers un dénominateur commun, des personnages récurrents et parfois même une trame (souvent obscure) ; des textes diffusés immédiatement après avoir été écrits, « just in time », par e-mail (à la merci des FAI : Un nouveau groupe armé ? Meuuunon, des fournisseurs d’accès internet !)...
2008-2009
Recueil
- On solde et on ferme !
d'extraits déjà diffusés par e-mail

Fej ? Qui n'est-il pas ? Cliquez sur:
Dijo ? Qu'est-ce qu'elle n'aime pas ? Cliquez sur :

http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit-chapitre-cinq-54183619.html




Un vide technique l’a tué


Il a été re-

trouvé mort à

- Ni de faim, ni de froid !

la station de métro de la gare du Midi dans

- Ni même shooté ! Ni même poivré ! Ni même déshydraté !

un « vide technique » sous

- Ni même écrasé par une rame ! Ni même battu à mort par les flics, par des compagnons de galère ou par une bande de djeuns spécialisés dans le braquage des clochards et le viol des prostituées dans des parkings ou des caves !

les quais par

- Il n’a pas été électrocuté… mais il aurait pu l’être !

où passent des câblages électriques.

Il était in-

- Pas vraiment ? C’était un infoutu, non ? Personne n’est responsable ?

connu du centre d’action sociale d’urgence. Il était inconnu des services de police. Il était inconnu du personnel de la STIB. Il était inconnu des passagers du métro.

Il avait trente-deux ans.

Il s’appelait FAISEL AJOUAOUI


En panne ?


à Finamwa


Fiston Nasser Mwanza pose la

- Plus d’infoutus ?

question à Fej qui

- Mon bureau n’est pas chauffé et Gaza me pétrifie. Mais, sois rassuré, j’ai au feu (je le plume, je l’ourdis, je le trousse, je le rumine, je le fais dégorger, je le mitonne, je le poêle, je le mortifie, je l’aguerris, je le toilette) une infoutue dépêche satanico-pornographique si magnifiquement ignoble et crapuleuse… que déjà je sens mon bas-ventre se dégeler…

lui répond derekitima.


Un faux Belge dans une vraie prison américaine


Guantanamo

Un juge fédéral américain décide du maintien en détention de Hisham Omar Sliti

- Votre histoire de voyage en Afghanistan pour vous débarrasser d’une longue dépendance à la drogue et trouver une nouvelle femme, je n’y crois pas !

- Et mon passeport belge ?

- Un passeport délivré à Bruxelles dans un salon de thé des environs de la Bourse ou de la gare du Midi, je n’y crois pas non plus !

- Et mon boulot dans un garage à Laeken ?

- Ce n’est guère plus probant !

- Et ma conversion récente au Standard de Liège ?

- C’est déjà plus intéressant… Une équipe de base-ball, sans doute ?

- Non, de foot !

- C’est bien ce que je pensais, vous êtes un ennemi combattant ! Je ne prendrai pas le risque de vous relâcher!


Vente rapide


Pour ceux qui n'ont pas reçu leur dose de vœux de bonne année 2009 ou qui ne seraient pas satisfaits de la qualité des produits mis actuellement sur le marché, j'ai encore

- Vente rapide ! Avant que ça ne sente trop mauvais

en magasin

- A consommer rapidement !

quelques vieux vœux infoutus

- Pour l'Afghanistan, le Congo et la Palestine ! Et pour les sans-papiers aussi ! Pour tous ceux qui n’ont pas de carnet de vaccination (à jour) ni de livret de saints sacrements ! Pour les artistes anonymes (esclaves ou salariés) qui ne s’appellent pas Bach ou Mozart et n’ont pas le droit de signer leurs œuvres ! Pour ceux qui habitent une baraque de tôles rouillées, meublée de deux ou trois paillasses (posées sur un sommier de palettes) et de quelques bancs (volés) d’école…

de bonne année 2008… Des vœux (et même des promesses !) dont la date de péremption est à peine expirée…


Grande manifestation à la Régie des Bâtiments, le lundi cinq janvier* 2009, à partir de 11 heures


Un collègue arrive à la Régie des Bâtiments avec des voeux infoutus plein la bouche et

- Dag, gredin, tu es venu flinguer la direction ?

- Meuuuuuuuuuuunon ! Je ne pouvais tout simplement pas laisser mon instrument tout seul, sans rien à boire et sans rien à manger, sans chauffage et sans électricité, sans gaz de ville et sans jus de houblon, emprisonné (comme un chien accusé de la rage ou un enfant kidnappé à la sortie des écoles) dans le coffre arrière (fermé à clef !) d’une vieille bagnole pourrie mal parquée sur un trottoir obscur, du côté des putes affamées et des dealers assoiffés, près la gare de Lochristi, de Grâce-Hollogne, de La Louvière, de Gembloux, de Alost ou de Landen, oh !

- Ton instrument ? Tu reviens d’Afghanistan, du Congo ou de la Palestine ?

une foutue mitraillette en bandoulière.


* A la demande des organisateurs, la manifestation a été reportée au jeudi 8 de la même semaine


Quelques jours en hiver, entre deux réveillons


On boucle, on bloque, on plombe, on scelle, on presse, on bouche. On serre, on enserre. On ferme, on enferme. On mure, on emmure. On encercle, on verrouille, on encaque, on affame, on étouffe, on garrotte, on encage, on étrangle.

Vendredi 26 décembre 2008.

On ne lève pas le siège mais on entrouvre quand même une porte, on laisse passer quelques camions

- Trois convois !

d’aide humanitaire transportant des produits de première nécessité et du fuel.

Samedi 27 décembre 2008.

A 11h32, 60 hélicoptères de combat et 85 chasseurs bombardiers F16 attaquent une série d’objectifs dits stratégiques. Des casernes et des bâtiments gouvernementaux et aussi

- Et des stations-service, des pharmacies, des hôpitaux, des boulangeries qui venaient d’être réapprovisionnés ?

des immeubles privés, une université, des mosquées.

Dimanche 28 décembre 2008, lundi 29 décembre 2008, mardi 30 décembre 2008, mercredi 31 décembre 2008

On bombarde. On bombarde. On bombarde. On continue de bombarder, on rappelle des réservistes, on laisse entendre qu’un offensive terrestre seraient imminente.

Les habitants de Gaza soignent leurs blessés et enterrent leurs morts. Plus de mille cinq cent blessés et près de quatre cent morts. Du matin au soir. Toute la journée. Entre les bombes.

Et hurlent leur colère.

Quelques jours en enfer. Entre deux réveillons, quand les infoutus sont en vacances d’hiver et

- Bonne année !

tandis que les agents de l’administration fédérale font le pont.

Jeudi 1er janvier 2009. Mardi 2 janvier 2009.

D’après Serge Dumont, dans Le Soir du 2 janvier 2009, le ministre de la Défense d’Israël a vu sa côte de popularité multipliée par trois en quelques jours. Et, en cas d’élections législatives le 10 février prochain, le parti travailliste qu’il dirige gagne des sièges à la Knesset…

Mercredi 3 janvier 2009…


Rendez-vous chez Jamal et Omar


Fej et Dijo, ça va de soi, ces deux infoutus-là vont bientôt

- D’accord, d’accord ! Tondimi ! Mais tant qu’on vit, on n’est pas mort, non ?

finir par mourir

- Oui, oui, oui… mais ne pourriez-vous pas quand même, mon cher frère et ma chère sœur, dans un esprit citoyen, pour garantir la perpétuation de l’espèce, mettre en banque quelques dés à coudre de sperme ou un panier (ou même tout un plateau !) d’oeufs frais, avant de vous lancer gaiement dans de nouvelles aventures chimiothérapiques dont tout le monde sait qu’on ne sort pas toujours indemne ?

- Jamais ! Et d’ailleurs la chimio, c’est la meilleur façon de perdre ses cheveux et les poils des oreilles et du cul pour rien ! Sans effet ! On a autre chose à faire ! Il y a encore tellement de verres à boire et de cigarettes à fumer sur cette terre !

un jour ou l’autre, du cancer d’un quelconque

- Beaucoup sont encore en compétition : les lèvres, la langue, la gorge, les poumons, les seins, l’anus et toutes les affaires intérieures (estomac, foie, pancréas, rognons, intestins) sans oublier, évidemment, l’utérus et les testicules, eh !

organe.

Mais contre lequel ils ne se b-

at-

tront p-

as…

Mais qu’ils inviteront plutôt à sortir avec eux, à vider de grandes bouteilles de Jupiler et

- A tirer sur des clopes (et même à rouler des joints ?) sur le trottoir, dans le froid qui brûle ! Mawa vraiment ! On pourrait tomber gravement malades, non ?

à faire la fête

toute la nuit, de 19h30 à 7 heures du matin, chez Hono et Vieux Henri, chez Jackie la Marraine, à Inzia, à Mpoko Bazar, au Beverly ou

toute la journée, de 7h30 à 19h, chez JAMAR, dans l’épicerie fine (sandwicherie, petite restauration, vente et

- On y boira de la bière aussi ! Et même de l'eau gazeuse et des jus d'orange !

consommation de vins de qualité) que Jamal et Omar vont ouvrir

- Incessamment sous peu !

au n° 145 de la chaussée de Wavre juste en face du Tournant et de la Mandibule, dans le courant du mois de janvier 2009.


Une journée infoutue à Bruxelles


Il a regardé sa poitrine, elle a regardé sa braguette.

Leur regards se sont… rasés, croisés, frôlés, frisés mais pas vraiment… touchés.

Rien ne s’est donc passé, quelque part, un jour ou l’autre sans histoire, à Bruxelles, sur un trottoir, entre le dépôt de la STIB de Haren et le cimetière d’Evere.

Tandis que, non loin de là, du côté du Heysel, les flics affrontaient une manifestation

- Armés d’éventails, de cannes de golf, de sacs à main griffés et de raquettes de tennis !

d’actionnaires de la banque Fortis.

Et rien ne s’est passé là-bas non plus.


La codé et le comeq


On fait fabriquer et

- Puis-je coopérer à votre développement ? Plutôt que de faire la révolution, faites des enfants ! Et entre deux saillies, vous pourrez toujours passer votre temps, affalé(e)s sur un canapé, à regarder une télévision bien méritée, non ?

on importe et

- Commerce équitable, non ?

on revend

- Des poids six, des poids cinq et même des poids quatre !

des bébés infoutus de moins de sept kilos produits, avec assistance technique et

- Tu l’as déjà fait devant un vétérinaire ?

- Non !

- Ça va, pas trop stressée ?

- Non !

- On y va alors ?

- Oui !

contrôle des experts et consultants d’une agence internationale de sécurité de la chaîne alimentaire et de contrôle et de certification des semences, par les ventres féconds du reste de la planète.


Moros y Cristianos


Les chiens ne peuvent manger que

- L’agneau est réservé aux loups ?

du porc.


Les origines belges de la révolution bolivarienne


Ce sont deux infoutus belges, évidemment, un Flamand et

- Un Bruxellois, non peut-être ?

- Oui sans doute !

un Wallon qui ont enfanté la Révolution bolivarienne au Vénézuela : Hugo Claus et Achille Chavée, non ?


Bonana


Bonana déjà ?

Beaucoup de noix et beaucoup de dindons, comme le disait Freddy Tsimba ?

Et si on réglait d’abord son compte au vieux Noël

D’accord, le père Noël

- Tout le monde dit ça !

était joyeux mais la mère Noël

- Une infoutue ! Personne n’en parle jamais !

picolait pas mal aussi, non ?

avant que sa semaine de gloire soit terminée ?


La famille Poucet


Le père Poucet, un braconnier sans vergogne qui se plaisait à transgresser les ordres et les dogmes et qui faisait l’objet d’un mandat de recherche interseigneural, a été épluché vif, écorché vif, embroché vif, bardé et grillé vif par

- Quel bonheur ! On le traquait depuis tellement longtemps, ce salopard ! On avait lancé une offensive de grande envergure ! Grâce à Dieu, on l’avait finalement attrapé !

les gens du château

Et lorsque le cadet des garçons de la famille, l’infoutu petit Poucet, nouvel orphelin, est revenu à la maison (avec un corbeille remplie de truffes, de fraises des bois, de myrtilles et de champignons) (mais sans sa bande de frères qui, après une longue bataille de pommes de pins ou de boules de neige, avaient réussi, pour leur bonheur, à se perdre encore plus dans les bois), les rustres et les reîtres se pétaient la gueule à l’alcool de betteraves, de maïs et de pommes de terre tandis que l’adjudant chef de poste, l’infirmier, le bedeau, l’huissier, le facteur, le rebouteux, le bougnat, le pompier volontaire et tous les autres gradés du village couvraient

- Et après, tu nous débiteras (au hachoir !) ton mari croustillant et, grâce à Dieu, tu nous serviras (fichés dans des saignoirs !) les plus belles pièces de cette bête fumante !

- Et mon petit, qu’est-ce que vous allez en faire ?

- Ton petit, grâce à Dieu, on n’y touchera pas (les petits garçons, on les tue mieux la nuit, quand ils dorment, leur viande est moins stressée) tout de suite ! On le ramènera au château, comme dessert, dans un grand panier en osier (nappé de truffes, de fraises des bois, de myrtilles et de champignons), pour le Seigneur !

bouquinaient et jargaudaient la veuve Poucet et ses trois filles et la grand-mère et le petit Chaperon rouge dans l’ambiance chrétienne et chaleureuse (bouseuse et flatulente) d’une étable à vaches, ânes, brebis

- Mais pas de cochons, grâce à Dieu ! Les étables ne sont quand même pas des porcheries !

fraîchement paillée pour la fête de Noël.


Un autre conte de Noël pour niquer celui

- Cromignon !

de Paulo Carter ?


Décembre 2008.

Sint Niklaas ou Sint Martin (en néerlandais), le Père Noël, Santa Claus ou Coca-Cola (en français, en lingala, en japonais ou en américain) et les rois Mages (en espagnol, en hébreu ou en arabe) ont fait irruption dans un supermarché de jouets d’Uccle ou de Boitsfort. Ils ont menacé deux employées (contraintes de se mettre à genoux dans le bureau sécurisé et

- Qu'est-ce que vous croyez ?

- Ce que nous croyons ? Watte ? Quelle est notre foi ? C’est bien ça ce que vous voulez savoir ?

de faire leurs prières du soir) et se sont emparés du contenu de la caisse et du coffre-fort du magasin. Ils ont emporté également un ordinateur portable, deux GSM et le sac à main d'une cliente. Ils ont raflé, en sortant, toutes les boîtes à cadeaux qui avaient été entreposées dans le couloir en vue d’une livraison prochaine

- Sur un tapis d’astrakan, au pied des cheminées de marbre (enguirlandées, enrubannées, illuminées !) de quelques villas friquées des environs peut-être ?

- Mange tes tartines et cesse de me tirer le slip !

à domicile.

Ensuite, la bande des infoutus

- Des gardiens de murs et des traine-buissons dont le moule-bite est rembourré avec du papier cul ? Des fumeurs de zumbel ? Des incapables de planter un clou sans renverser une brouette ?

- Des grands frères qui voulaient se taper un billard du tonnerre de Zeus du côté du cimetière d’Ixelles (ou un bowling à Wemmel)… et offrir quelques bricoles aux gamines et aux gamins du secteur…

a pris la fuite à bord d’un corbillard, d’une ambulance ou d’une autopompe qui a été retrouvé(e) incendié(e) dans le vieil Ixelles, pas loin de la place de la Tulipe ou dans le quartier des vendeurs de voitures d'occasion, à Anderlecht, près du canal.


Mpuku akufi

(ou la triste fin d’année de Cannabis le héros)


Novembre et décembre 2008. Plusieurs amis de Fej et de Dijo ont cessé d’être là. Subitement et presque en même temps. Un grand frère, emporté par un vent de feuilles mortes, s’est envolé par la fenêtre, en direction des étangs d’Ixelles. Deux petites soeurs ont dé-

cro-

ché et elles sont, toutes les deux, très rapidement

tom-

bées en vrille. Et

- La noix de muscade, ça n’a jamais guéri personne ? Pas même notre petit animal malade de la peste ?

Cannabis aussi n’est plus là. Et

Noisette, la compagne de Cannabis, à Beyrouth

non plus.


Fej et Dijo ne s’étaient pas rencontrés en milieu psychiatrique mais ils avaient tous les deux, néanmoins, un même vice caché, un bonheur indigne partagé, un plaisir honteux

- Mais plutôt libertaire et quelque peu fripon !

commun qui ne pouvait pas s’avouer devant n’importe qui, en n’importe quel lieu et dans n’importe quelle circonstance. Un vice, un bonheur, un plaisir

- Depuis plus d’un an !

déjà ancien que Fej et Dijo se trouvaient habituellement, bien malgré eux, obligés

- C'est qu'ils pourraient nous le dézinguer, notre Cannabis !

de dissimuler

- C'est qu'ils seraient bien capables de lui casser la tête à notre Cannabis ! Ou de lui couper la gorge ! Et de nous excommunier pour hérésie et de nous exclure pour déviationnisme ! Et de nous mettre en quarantaine ! Surtout les Grands Inquisiteurs, les vrais « Z », les authentiques ? Surtout Malou Fontier, Judith Bisumbu et Jean-Pierre Kabeya Nyonga… sans doute ? Mais sauf Ben Mavinga, Emongo Lomomba, Anselme Kaleme Tampi et Rachel Mpanu-Mpanu… peut-être ? Et il n’est toujours pas possible, à l'heure actuelle, de préjuger de l’attitude qu’adopteront les autres frères et soeurs que sont Anastase Nzeza Bilakila, Marie-Louise Bibish Mumbu, In Koli Jean Bofane (alias Fossoyeur Jones), Freddy Tsimba, Maddy Tiembe, Justin Kankwenda Mbaya, Monique Fodderie, Jean Omasombo, Fiston Nasser Mwanza et tant d'autres ?

à ceux de leurs amis et de leurs relations qui n’étaient pas encore en état de le partager.


Ce vice-là s’appelait Cannabis !


Cannabis le héros (devenu, avec Dieu et le tram 81, un des principaux personnages des séries « Huppé cul ») avait pris l’habitude de grimper sur le lit de Fej et de Dijo et de venir s’asseoir sur les coussins, juste à côté des oreilles des dormeurs.

Il se perdait ensuite dans leurs cheveux, leur mordillait les narines, les oreilles et les paupières, creusait des galeries sous la couette, se glissait entre les jambes...

Agile, subtil, fragile, hardi, râleur, moqueur, roublard, méfiant, taquin, curieux, têtu, boudeur, peureux, farceur…

Persiffleur et gazouilleur…

Mais aussi étonnamment confiant… L’infoutu Cannabis avait adopté Fej et Dijo et leur avait permis d’entrer dans son monde. Il leur parlait même dans sa langue, la langue « oiseau » des octodons. Et il les acculturait…

Il prenait plaisir à s’étendre sur la table de nuit de Fej, recouverte d’une plage de soie bleue, et prenait des bains de lumière sous la lampe de chevet, s’étirait, bâillait, s’étirait encore, sautait sur le lit, se glissait entre les draps, s’allongeait sur les pieds nus, remontait le long des corps nus, s’étalait sur les cuisses nues, prenait place partout où la chair était nue, tendre et chaude : dans les cous nus, sur les fronts nus, au milieu des seins nus de Dijo…

Cannabis adorait faire la sieste et capter toutes sortes d’odeurs et de chaleurs apaisantes mais il était aussi très entreprenant. Il n’arrêtait pas de gratter, de ronger et de rogner, d’aller ici et de galoper là-bas, de grappiller ici et de grignoter là-bas, de faire des ponts, de jeter des échelles, de creuser des tunnels, de franchir des gués, de lancer des passerelles, de stocker des noix et des amandes dans différentes cachettes et, surtout, de se construire des nids partout, sous le lit, à côté du radiateur, derrière les armoires ou les tableaux, sur les étagères, entre les livres et les disques…


Cannabis est

mort et

Fej peut de nouveau oublier ses mouchoirs, ses chaussettes, ses fiches, ses journaux, ses slips et ses extraits de comptes bancaires au pied du lit. Et Dijo laisser ouvertes les armoires à chaussures ou à soutifs (dans lesquels Cannabis aimait se lover) et les tiroirs de la penderie. Et Fej et Dijo laisser aussi ouverte la porte

- C’est pour mieux t’entendre dormir pendant que je travaille, petite chérie !

- Et c’est ainsi que me réveilles, douchka ! En tapant comme une brute sur le clavier de ton ordinateur !

du bureau de Fej et de la chambre où Dijo se repose : l’infoutu Cannabis ne descendra plus trois étages jusqu’au salon, il ne se cachera plus derrière le séchoir ou le congélateur, il ne prendra plus plaisir à charger et à terroriser le chat « Ndoki », il ne tombera plus dans l’escalier…

L’infoutu Cannabis est parti et Fej et Dijo ont retrouvé

- Quelles libertés ? Leur liberté d’oublier une paire de lunettes, un pacemaker, une oreille en plastique, un morceau de sucre, une barre de chocolat, un paquet de cigarettes, une télécommande ou un téléphone mobile, un billet de dix euros, une capote, un semainier ou une carte de banque sur une table de nuit ? Leur liberté de laisser traîner par terre les rouleaux d’essuie-tout, les dictionnaires, les robes de bal et les chaussures à talons aiguilles, les fils électriques et le câble de la télédistribution ?

toutes leurs libertés ? Ils peuvent à nouveau sortir comme ils veulent ? Et rentrer tard, se péter la gueule, découcher, s’absenter tout un week-end et même se taper quelques jours de vacances, à deux, comme un jeune couple sous phéromones partant toute une semaine

- En charter ! Moins cher ! Tout compris !

à la rencontre d’autres peuples et d’autres cultures : chez les Bretons, chez les Occitans, chez les Alsaciens, chez les Rhénans, chez les Kurdes, chez les Palestiniens, chez les Quechuas, chez les Algonquins, chez les Abénakis, chez les Ouïgours, chez les Tamouls, chez les Guins, chez les Mbuzas, chez les Yakas, chez les Yanzis, chez les Andalous, chez les Catalans ou chez les Basques ?


Fej le montre moins mais il est, tout autant que Dijo, profondément bouleversé par la mort de Cannabis… mais il se sent aussi rassuré : quand viendra son tour, Fej sait qu’il pourra compter

- Elle ira voir le vétérinaire, non ? Elle sera (peut-être) désespérée mais elle prendra (sûrement) la bonne décision, non ? Elle me fera piquer mais elle tiendra compte de ma dernière volonté, non ?

- Laquelle, douchka ?

- Je voudrais, petite chérie, que tu n’oublies pas de me poudrer (avant) et de me tenir la main (pendant)…

sur Dijo.


Fej est confiant… mais aussi soupçonneux : Dijo le larguera-t-elle sans barreaux, à l’abandon, dans une grotte, sous la mer, sur un piton, au pied d’un chêne ou d’un noisetier, à la merci des ours, des requins, des aigles ou des chiens truffiers ?

Ou décidera-t-elle

- Horreur aux marrons !

que la vieille carcasse de son homme restera à jamais détenue et conservée dans une cage ou une caisse, sous une lourde pierre, dans un mausolée de marbre

- Comme le champagne préféré de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga !

rosé ?


Décembre 2008. Des amis ont cessé d’être là. Les pubs anglais sont en voie de disparition et

- Même lui !

l’inspecteur Stephan Derrick est

- Au lit ! Sous la couette ! En pyjama et couche-culotte !

décédé dans

- Sans intrigue ! Sans énigme ! Sans même une enquête criminelle diligentée par son fidèle (mais n’ayant plus été promu depuis longtemps et aspirant sans doute à devenir…

- Enfin !

-… titulaire ?) adjoint, Harry Klein !

une clinique de Munich.


Vivement l’année dernière ?